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version 1.1, aout 1999
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----------------------- fin de la licence abu --------------------------------
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----------------------- fin de l'en-tete --------------------------------
------------------------- debut du fichier tordre1 --------------------------------
a se tordre
histoires chatnoiresques
aphonse allais
(1891)
un philosophe
je m'etais pris d'une profonde sympathie pour ce grand flemmard de gabelou que me semblait l'image meme de la douane, non pas de la douane tracassiere des frontieres terriennes, mais de la bonne douane flaneuse et contemplative des falaises et des greves.
son nom etait pascal ; or, il aurait du s'appeler baptiste, tant il apportait de douce quietude a accomplir tous les actes de sa vie.
et c'etait plaisir de le voir, les mains derriere le dos, trainer lentement ses trois heures de faction sur les quais, de preference ceux ou ne s'amarraient que des barques hors d'usage et des yachts desarmes.
aussitot son service termine, vite pascal abandonnait son pantalon bleu et sa tunique verte pour enfiler une cotte de toile et une longue blouse a laquelle des coups de soleil sans nombre et des averses diluviennes (peut-etre meme antediluviennes) avaient donne ce ton special qu'on ne trouve que sur le dos des pecheurs a la ligne. car pascal pechait a la ligne, comme feu monseigneur le prince de ligne lui-meme.
pas un homme comme lui pour connaitre les bons coins dans les bassins et appater judicieusement, avec du ver de terre, de la crevette cuite, de la crevette crue ou toute autre nourriture traitresse.
obligeant, avec cela, et ne refusant jamais ses conseils aux debutants. aussi avions-nous lie rapidement connaissance tous deux.
une chose m'intriguait chez lui c'etait l'espece de petite classe qu'il trainait chaque jour a ses cotes trois garcons et deux filles, tous differents de visage et d'age.
ses enfants ? non, car le plus petit air de famille ne se remarquait sur leur physionomie. alors, sans doute, des petits voisins.
pascal installait les cinq momes avec une grande sollicitude, le plus jeune tout pres de lui, l'aine a l'autre bout.
et tout ce petit monde se mettait a pecher comme des hommes, avec un serieux si comique que je ne pouvais les regarder sans rire.
ce qui m'amusait beaucoup aussi, c'est la facon dont pascal designait chacun des gosses.
au lieu de leur donner leur nom de bapteme, comme cela se pratique generalement, eugene, victor ou emile, il leur attribuait une profession ou une nationalite.
il y avait le sous-inspecteur, la norvegienne, le courtier, l'assureur, et monsieur l'abbe.
le sous-inspecteur etait l'aine, et monsieur l'abbe le plus petit.
les enfants, d'ailleurs, semblaient habitues a ces designations, et quand pascal disait : " sous-inspecteur, va me chercher quatre sous de tabac ", le sous-inspecteur se levait gravement et accomplissait sa mission sans le moindre etonnement.
un jour, me promenant sur la greve, je rencontrai mon ami pascal en faction, les bras croises, la carabine en bandouliere, et contemplant melancoliquement le soleil tout pret a se coucher, la-bas, dans la mer.
- un joli spectacle, pascal !
- superbe ! on ne s'en lasserait jamais.
- seriez-vous poete ?
- ma foi ! non ; je ne suis qu'un simple gabelou, mais ca n'empeche pas d'admirer la nature.
brave pascal ! nous causames longuement et j'appris enfin l'origine des appellations bizarres dont il affublait ses jeunes camarades de peche.
- quand j'ai epouse ma femme, elle etait bonne chez le sous-inspecteur des douanes. c'est meme lui qui m'a engage a l'epouser. il savait bien ce qu'il faisait, le bougre, car six mois apres elle accouchait de notre aine, celui que j'appelle le sous-inspecteur, comme de juste. l'annee suivante, ma femme avait une petite fille qui ressemblait tellement a un grand jeune homme norvegien dont elle faisait le menage, que je n'eus pas une minute de doute. celle-la, c'est la norvegienne. et puis, tous les ans, ca a continue. non pas que ma femme soit plus devergondee qu'une autre, mais elle a trop bon coeur. des natures comme ca, ca ne sait pas refuser. bref, j'ai sept enfants, et il n'y a que le dernier qui soit de moi.
- et celui-la, vous l'appelez le douanier, je suppose ?
- non, je l'appelle le cocu, c'est plus gentil.
l'hiver arrivait ; je dus quitter houlbec, non sans faire de touchants adieux a mon ami pascal et a tous ses petits fonctionnaires. je leur offris meme de menus cadeaux qui les comblerent de joie.
l'annee suivante, je revins a houlbec pour y passer l'ete.
le jour meme de mon arrivee, je rencontrais la norvegienne, en train de faire des commissions.
ce qu'elle etait devenue jolie, cette petite norvegienne !
avec ses grands yeux verts de mer et ses cheveux d'or pale, elle semblait une de ces fees blondes des legendes scandinaves. elle me reconnut et courut a moi.
je l'embrassai :
- bonjour, norvegienne, comment vas-tu ?
- ca va bien, monsieur, je vous remercie.
- et ton papa ?
- il va bien, monsieur, je vous remercie.
- et ta maman, ta petite soeur, tes petits freres ?
- tout le monde va bien, monsieur, je vous remercie. le cocu a eu la rougeole cet hiver, mais il est tout a fait gueri maintenant... et puis, la semaine derniere, maman a accouche d'un petit juge de paix.